... ET AUTRES CREATIONS 3 hommages aux illustres

Publié le par eric teyssie

Demain dès l'aube


Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai, les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit,


Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur,
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends...


Victor Hugo
Le pont Mirabeau (alcool)
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure


L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.


Guillaume Appolinaire
Le pays de l'édredon bleu
Quand j'étais malade, en mon lit,
(Sous ma tête deux oreillers)
Mes jouets étant rassemblés,
Me tenant bonne compagnie.


Parfois, pour un temps assez long,
J'observais mes soldats de plomb,
À la manoeuvre, allant au pas
Parmi les collines des draps.

J'envoyais bateaux, cargaisons,
Au gré des flots de couvertures,
Ou bien pour mes cités futures
Mettais en place arbres maisons.

J'étais le géant silencieux
Qui de sa pile d'oreillers
Voyait les plaines, les vallées

Du pays de l'édredon bleu.


Robert-Louis Stevenson

Prière pour aller au paradis avec les ânes ( Gallimard jeunesse )
Lorsqu'il faudra aller vers vous, Ô mon Dieu faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.

Je prendrai mon bâton et sur la grand route
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon Dieu.


Je leur dirai : Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreilles
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles...
Que je vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié.

J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portaient au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bosselés,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons,
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.


Mon Dieu, qu'avec ces ânes je vous vienne.
Faites que dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel


Francis Jammes
Clameur ( ed. Aubier- NRF Gallimard  - Romancero gitan )
Dans les tours jaunes,
les cloches sonnent le glas.

Sur les vents jaunes,
s'épanouissent le son des cloches.

Par un chemin s'en va
la mort, couronnée
de fleurs d'oranger fanées.
Elle chante et chante
une chanson
sur sa viole blanche
ellle chante, chante, chante.

Dans les tours jaunes,
s'arrêtent les cloches.

Le vent dans la pousière
sculpte des proues d'argent.

"Aie"
Le cri laisse dans le vent
Une ombre de cyprès.

(Laissez moi dans le champs, pleurer)
Tout s'est brisé dans le monde.

L'horizon sans lumière
est mordu de brasiers.
(Je vous ai dit de me laisser
dans ce champs, pleurer).

Garcia Lorca
Ma bohême
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal :
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
-Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
-Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;


Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !


Arthur Rimbaud 
L'invitation au voyage
Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur,
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes,


Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
A l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.


Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Charles Baudelaire
Traité sur la tolérence ? 1763 (NRF Gallimard )
Ce n'est plus aux hommes que je m'adresse; c'est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, et de tous les temps : s'il est permis à de faibles créatures perdues dans l'immensité, et imperceptibles au reste de l'univers, d'oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités.

Tu nous as donné un coeur pour nous haïr,
et des mains pour égorger,
fait que nous nous aidions mutuellement supporter nos fardeaux d'une vie pénibles et passagère ;
que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps,
entre tout nos langages insufisants, 
entre toutes nos lois imparfaites,
entre toutes nos opinions insensées,
entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi, que ces petites nuances qui distinguent les atômes appelés hommes
ne soient pas des signaux de haine et de persécution ;
que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ;
que ceux qui couvrent leur robe d'une toile blanche pour dire qu'il faut t'aimer  ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; 
qu'il soit égal de t'adorer dans un jargon formé d'une ancienne langue, ou dans un jargon plus
nouveau ; 
que ceux dont l'habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d'un petit tas de la boue de ce monde et qui possèdent quelques fragments arrondis d'un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu'ils appellent grandeur et richesse

et que les autres les voient sans envie: car tu sais qu'il n'y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s'enorgueillir


Voltaire 
L'évadé ou Le temps de vivre ( Chansons et poèmes ) - http://www.borisvian.fr/ 

Il a dévalé la colline
Ses pieds faisaient rouler des pierres
Là-haut, entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie

Il respirait l'odeur des arbres
De tout son corps comme une forge
La lumière l'accompagnait
Et lui faisait danser son ombre

Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il sautait à travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil

Les canons d'acier bleu crachaient
De courtes flammes de feu sec
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il est arrivé près de l'eau

Il y a plongé son visage
Il riait de joie, il a bu
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il s'est relevé pour sauter

Pourvu qu'ils me laissent le temps
Une abeille de cuivre chaud
L'a foudroyé sur l'autre rive
Le sang et l'eau se sont mêlés

Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil

Le temps de rire aux assassins
Le temps d'atteindre l'autre rive
Le temps de courir vers la femme

Il avait eu le temps de vivre.

Boris VIAN

Préface d'une leçon de morale ( N.R.F Gallimard)
Le mal doit être mis au bien. Et par tout les moyens, faute de tout perdre contre toute morale résignée, nous dissipons la douleur et l'erreur. Puisque nous avons eu confiance.
J'ai voulu nier, anéantir les soleils noirs de maladies et de misère, les nuits saumâtres, tout les cloaques  de l'ombre et du hasard , la mauvaise vue, la cécité, la destruction, le sang séché, les tombes.
Même si je n'avais pas eu dans toute ma vie, qu'un seul moment d'espoir, j'aurais livré ce combat. Même si je dois le perdre, car d'autres le gagneront.
Tout les autres

Paul Eluard
Tout dire (Paris Editions) extrait

 

 

 

A partir d'un mot franc et de choses réelles
L
a confiance ira sans retour
Je veux que l'on réponde avant que l'on questionne
Et nul parlera une langue étrangère


Et nul n'aura envie de piétiner un toit
D'incendier des villes d'entasser des morts
Car j'aurai tous les mots qui servent à construire
Et qui font croire au temps comme à la seule source

Il faudra rire mais on rira de santé
On rira d'être fraternel à tout moment
on sera bon avec les autres comm on l'est
Avec soi-même quand on s'aime d'être aimé

Les frissons délicats feront place à la houle
De la joie d'exister plus fraîche que la mer
Plus rien ne nous fera douter de ce poème
Que j'écris aujourd'hui pour effacer hier.
Paul Eluard

 

 

 

 

 

 

Publié dans art.teyssie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article